L’année 2014 donnera l’occasion de se pencher sur les causes de la guerre de 1914, de mieux comprendre l’enchaînement des événements qui conduisent au conflit et de célébrer les héroïsmes. Mais dans le tumulte des appels patriotiques qui seront publiés, il n’est pas inutile de rappeler l’attitude, largement incomprise, de ceux qui tels Jean Jaurès ou Romain Rolland ont tenté d’éviter la guerre et d’alerter l’opinion sur la catastrophe qui s’annonçait.
Romain Rolland, né à Clamecy en 1866, a perçu avec une extrême clairvoyance le terrible conflit qui s’annonçait comme un suicide des peuples européens. Loin des « sales sornettes antimilitaristes », selon l’expression de Pierre Loti, son texte le plus célèbre « Au-dessus de la mêlée » publié dans le Journal de Genève le 22 septembre 1914, n’est pas l’œuvre d’un lâche – au demeurant, il n’était pas mobilisable à cause de son âge. Ni d’un intellectuel qui se laverait les mains du sort des belligérants ou d’un pacifiste bêlant confortablement installé en Suisse, pays neutre. C’est une profession de foi en l’Europe, en ses valeurs morales et culturelles qui menacent de disparaître dans le conflit fratricide. Un appel lucide aux esprits libres de toutes les nations pour se dresser contre la barbarie guerrière. Trop tard. C’est bien cependant ce manifeste pacifiste, avec évidemment son célèbre cycle romanesque Jean-Christophe, qui lui vaudra le prix Nobel de littérature en 1915. Romain Rolland, qui croit que « l’amour de la patrie » ne peut fleurir « dans la haine des autres » aura malgré tout pu faire entendre sa voix. Il est mort à Vézelay le 30 décembre 1944. – DHV
Bernard Duchatelet, Romain Rolland, tel qu’en lui-même, Albin Michel, 2002. Romain Rolland, une œuvre de paix, colloque de Vézelay, octobre 2008, Publications de la Sorbonne, 2010.