Fils d’un riche cultivateur, Pierre Joigneaux naquit le 23 décembre 1815 à Varennes, hameau de Ruffey-lès-Beaune (Côte-d’Or). Reçu en 1832 à l’École centrale, il la quitta en février 1834 plutôt que d’affronter le conseil de discipline pour avoir participé à une manifestation républicaine. Il devint publiciste, écrivit dans des journaux parisiens d’extrême gauche, et fut condamné en juin 1839, pour délit de presse, à cinq ans de prison et cinq ans de surveillance. Grâcié en juillet 1842, revenu à Varennes, il créa un périodique radical, La Sentinelle beaunoise, et dirigea en 1846-1847 à Dijon Le Courrier de la Côte-d’Or, journal de l’opposition de gauche.
Féru d’agronomie, il devint en 1847 régisseur du grand domaine du maître de forges Édouard Bougueret à Ampilly-le-Sec. Le 17 mars 1848, il fut nommé sous-commissaire du gouvernement provisoire pour l’arron-dissement de Châtillon-sur-Seine. En avril, il fut élu représentant de la Côte-d’Or à la Constituante. Proche de Ledru-Rollin, il se consacra particulièrement à la propagande démocrate-socialiste auprès des ruraux (son toast au banquet du Mans en avril 1849, « À mes frères des campagnes », fut diffusé à plus d’un million d’exemplaires). Réélu à la Législative, il publia à partir d’octobre 1849 La Feuille du village, hebdomadaire où il préconisait notamment la formation par les paysans d’associations mutualistes et l’organisation du crédit agricole avec l’aide de l’État.
Exilé après le coup d’État du 2 décembre 1851, il s’installa dans l’Ardenne belge où ses compétences agronomiques furent appréciées. Revenu en France, à Bois-Colombes, il dirigea la publication en 1865 d’un Livre de la ferme et des Maisons de campagne. En 1869, il relança La Feuille du village. Élu en février 1871 à l’Assemblée nationale par la Seine et la Côte-d’Or, membre du groupe de l’Union républicaine de Gambetta, il multiplia articles et brochures destinés à rallier les paysans à la République et à propager les « bonnes méthodes » en agriculture. Il fut à l’origine de la création de l’École d’horticulture de Versailles. Proche des radicaux, il fut facilement réélu député de la Côte-d’Or de 1876 à 1885, puis sénateur en 1891. Cette même année, il publia ses mémoires, Souvenirs historiques. Il mourut le 26 janvier 1892 à Asnières (Hauts-de-Seine). Injustement oubliée, son action persévérante et efficace auprès des ruraux a fait de lui un des « pères de la République ». – PL
A. J. Devarennes, Pierre Joigneaux, sa vie et ses œuvres, Paris, 1903, 70 p. ; - Daniel-Paul Lobreau, Pierre Joigneaux (1815-1892) ou la République en sabots, thèse, Université de Lyon 3, 1995, microfiche Université de Lille 3, MIC TH 1877