Les idées de la Réforme sont arrivées tard à Dijon. L’Église de l’époque satisfaisait aux aspirations religieuses de la population, Dijon était un relais de l’autorité royale et provinciale, un rempart contre le protestantisme, hérésie d’État, hérésie municipale. Aussi, entre 1560 et 1562, les autorités s’employèrent-elles à marginaliser les Dijonnais protestants. Après le premier édit de tolérance (édit de Romorantin, 1560), où les protestants obtinrent le droit de conscience, la communauté se réunit en « conventicule », assemblée religieuse chez un particulier, rue des Forges, chez Jean Soillot, exécuté en décembre 1561. Le pasteur Pierre Le Roy, envoyé de Genève, ayant quitté Dijon rapidement pour Troyes, en février 1562, les réformés dijonnais, par l’intermédiaire de M. de Frasans, s’adressèrent à Calvin pour avoir un ministre spirituel. La communauté ne pouvait dresser une église, célébrer la Cène, ni être facilement maîtrisée.
En 1562, le premier synode régional des Églises réformées se tint à Chalon. L’Édit de pacification et de garanties de Saint-Germain du 17 janvier, plus libéral que l’Édit de Nantes, n’était pas appliqué par le Parlement de Bourgogne qui refusait toute coexistence confessionnelle. Gaspard de Saulx-Tavanes, alors lieutenant-général de la province, ne s’opposait pas directement à l’Édit mais laissait au Parlement la liberté de retarder son enregistrement ; il aida de tout son pouvoir le conseiller Jean Béjat, champion du conservatisme catholique, et Bénigne Martin, vicomte-mayeur en 1557-1560 et 1561-1565, ardent catholique, à épurer littéralement Dijon de tous les protestants habitant la ville.
La rumeur d’un coup de force se propagea le jour de la Pentecôte 1562 : cette grande peur permit à Tavanes un coup d’État contre les huguenots. Des protestants furent arrêtés, des maisons perquisitionnées, les artisans fidèles à Calvin expulsés comme tous les suspects. Les réformés furent exclus du statut de bourgeoisie, ils durent faire acte de catholicité pour conserver leurs charges. Le bilan à la fin du mois de juillet 1562 est l’exil pour deux mille protestants, l’emprisonnement pour cent-soixante d’entre eux, l’assassinat pour cinq, la condamnation à mort en effigie pour trente-huit, l’exécution d’une jeune fille de 16 ans. Cette stratégie influença Paris qui prendra la même décision d’expulsion de ses « hérétiques » le 13 juillet 1562. La communauté dijonnaise fut réduite à la survie.
David El Kenz, "La Réforme à Dijon : d'une hérésie d'État à une hérésie municipale (1530-1598)", Bulletin de liaison / Association pour le renouveau du Vieux-Dijon, n° 29, 4e trim. 2000, p. 14-20.