À la fin du règne de Philippe IV le Bel, les réformes, entreprises à l’initiative des légistes qui l’entouraient pour faire de la monarchie française un état puissant et centralisé, doté d’une administration moderne, et la multiplication de taxes, suscitèrent dans le royaume une opposition généralisée. Aussi, à la fin de l’année 1314, se constituèrent un peu partout des ligues informelles hostiles aux empiétements du pouvoir royal, en particulier en matière judiciaire et fiscale. La première manifestation eut lieu à Dijon, au mois de novembre 1314 : les principaux nobles, laïcs et religieux, du duché et des représentants de onze villes se réunirent alors pour s’opposer à « ces novelletés et choses déraisonnables », en particulier aux permanentes intrusions des officiers royaux, à l’interdiction qui était faite aux seigneurs de régler leurs conflits par les armes et aux acquisitions de domaines par le roi. Une commission permanente fut instituée, qui devait rendre compte chaque année de son action. Le duc Hugues V, en fidèle vassal du roi, protégé par son statut de pair de France et qui percevait la moitié des impôts royaux, ne semble pas s’être associé à cette initiative, mais c’est à lui que, au seuil de la mort, le roi, épuisé par les drames qui avaient marqué la fin de son règne, adressa une lettre par laquelle il se défendait d’avoir voulu imposer son autorité à ses sujets. Aussi, à peine couronné, Louis X, en son Grand Conseil, affirma-t-il sa volonté d’en revenir aux règles en vigueur au temps de saint Louis. Les Bourguignons ne s’en contentèrent pas et obtinrent deux chartes, accordées respectivement en avril et en mai 1315, par lesquelles étaient confirmés tous les droits en vigueur dans le duché et exclues, comme il avait été demandé, toute intervention des officiers royaux en matière de justice et toute possibilité pour le roi d’acquérir des domaines dans les fiefs laïcs et ecclésiastiques. Le grand bénéficiaire de ces concessions était le duc, qui voyait ainsi son autorité confirmée sur l’ensemble du duché, désormais à l’abri des empiètements royaux contre lesquels ses prédécesseurs luttaient sans relâche depuis la fin du XIIe siècle. C’est dans ces conditions qu’Eudes IV succéda à son frère Hugues V à la tête du duché. Pour établir son autorité l’une de ses premières décisions fut de faire établir une liste de ses vassaux, des plus modestes aux plus puissants. La constitution de cette ligue éphémère apparait comme la première manifestation du sentiment d’une unité du duché.- FV
Arthur Kleinclausz, Histoire de Bourgogne, 2e éd., Hachette, 1924, p.97-99 et Jean Richard, Les ducs de Bourgogne et la formation du duché du XIe au XIVe siècle, Les Belles lettres, 1954 (« Publications de l’Université de Dijon », 12), p.196-204.