Particulièrement sonores, cinq cloches accueillent, trois fois par jour, ceux qui viennent à Taizé pour visiter ou prier. Initialement montées sur un beffroi directement posé au sol, elles ont été surélevées lorsque, à partir de 1980, l’accueil de jeunes de plus en plus nombreux a nécessité l’extension du campement et la construction des baraques en bois. Le beffroi est devenu un campanile servant de porche pour conduire jusqu’à l’église de la Réconciliation. Cet édifice de béton brut a été bâti en 1962 par un groupe de jeunes Allemands venus spécialement à Taizé, pour signifier leur volonté de donner une dimension spirituelle au rapprochement entre leur pays et la France, après les terribles années de la Seconde Guerre mondiale.
Lors de la construction initiale, l’église frappait par son extrême austérité. Dans le chœur, seul un magnifique cercle de cuivre surmonté de bougies éclairait une vaste table où la Cène était célébrée selon la liturgie protestante. Face à l’orgue, l’unique décoration est une série de vitraux conçus et réalisés par frère Eric : le long du mur de béton, une suite de niches mettent en valeur successivement l’Annonciation, le Magnificat, la Nativité, la fuite en Egypte, la victoire de l’Agneau pascal, la Résurrection du Christ, la Pentecôte, et enfin un saint François particulièrement émouvant. Sous ce chœur, un étroit escalier permettait de rejoindre deux petites cryptes, affectées respectivement au culte catholique (avec la messe célébrée quotidiennement) et au culte orthodoxe (avec la divine liturgie dominicale).
Les modifications successives de l’édifice inscrivent dans l’espace les évolutions qui marquent son histoire. Les cryptes ont été abandonnées. Identifiable à ses bulbes, une église orthodoxe a été construite en bois. La liturgie dominicale est désormais la messe catholique. La décoration du chœur a été profondément remaniée : le lustre austère remplacé par de petits murs de briques où scintillent des veilleuses ; de grandes toiles triangulaires, de couleur orange, cachent le béton pour donner l’impression d’un bateau prêt à partir au large.
Le 16 août 2005, au terme de la prière du soir, frère Roger a été assassiné là par une jeune déséquilibrée. Sa tombe est auprès de l’église du village : tout a commencé dans la pénombre de ce bel édifice roman, qui en 1949 avait accueilli l’engagement monastique des sept premiers frères, promettant de vivre dans le célibat, la simplicité et la vie commune. Venu de Suisse en 1940, frère Roger est un pasteur protestant habité par le désir de l’unité entre chrétiens. Son itinéraire s’inscrit dans les redécouvertes, au sein de certains courants protestants, de la vie monastique, si violemment critiquée par Luther et Calvin. Actuellement, la communauté compte environ une centaine de membres, dont soixante-dix à Taizé même : les autres forment de petites cellules disséminées dans le monde. À Pâques 1970, a commencé la grande aventure du Concile des jeunes, qui a donné à Taizé toute sa dimension internationale. À la suite de cette expérience, Taizé s’est délibérément recentré sur la méditation des Écritures, soutenue par les refrains caractéristiques de la liturgie quotidienne de l’église de la Réconciliation.