L’unanimité ne règne pas parmi les historiens sur la chronologie exacte de la fondation de Flavigny. Cependant, quelle que soit l’hypothèse retenue, 719 en est une année-clef. Il existe en effet deux actes du même Guiré (Wideradus), que la tradition appelle, à tort, petit et grand testament. Jean Marilier, au terme d’une savante enquête et d’une démonstration convaincante, appuyée notamment sur les Formulae flaviniacenses, a identifié le « petit testament » à l’acte de fondation pur et simple et l’a daté de 719. Récemment, l’historienne américaine Constance Bouchard, dans son édition du cartulaire, a choisi d’intervertir les deux actes, plaçant aux origines le « grand testament », situé en 717 (au lieu de 722 pour Marilier) et le complétant par le « petit », toujours fixé à 719. Les érudits ne semblent guère suivre Bouchard.
Flavigny, en ce début de VIIIe s., était un castrum sur lequel avait la haute main un aristocrate de bonne culture romaine : Wideradus, fils de l’« homme illustre » Corbo. Ce Guiré était déjà maître de trois importantes communautés religieuses : tout près, celle qui veillait à Alise sur le tombeau de la martyre Reine, celle qui gardait à Saulieu le sarcophage d’Andoche et celle consacrée à Ferréol, probablement à Besançon.
Il n’était pourtant pas clerc, selon toute vraisemblance, et remplissait plutôt des fonctions de patron ou de protecteur, qui s’étendaient à une bonne part de la chrétienté bourguignonne. À preuve, ce n’est pas lui qui prit la tête de la nouvelle fondation, mais un abbé du nom de Magoaldus. Le monastère, placé sous la Règle de s. Benoît et le vocable de s. Prix (Prejectus), devait connaître un rapide et brillant succès, notamment grâce à la protection des rois francs. Le rayonnement de son scriptorium, dès les premières décennies, en atteste durablement.
Jean Marilier, « Note sur la tradition textuelle des testaments de Flavigny », Mém. de la Soc. pour l’histoire du droit et des institutions des anciens pays bourguignons, romands et comtois, fasc. 23, 1962, p. 185-199 ; « Testamentum Wideradi coenobii flaviniacensis abbatis », ibid., t. 30, 1970-1971, p. 57-72 ; Alesia : textes originaux et traductions […], textes médiévaux, 2e éd. Belles-Lettres, 1980, p. 96-115 ; Constance Brittain Bouchard, The Cartulary of Flavigny (717-1113), Cambridge (Mass.), Medieval Academy of America, 1991, IX-166 p. ; - Josiane Barbier, « Testaments et pratique testamentaire dans le royaume franc », Sauver son âme et se perpétuer : transmission du patrimoine et mémoire au Haut Moyen Âge, Rome, 2005 (« Coll. de l’ Ecole française de Rome », 351), p. 7-79.