LES CÉLÉBRATIONS DE BOURGOGNE

-1467 ● Décès du duc de Bourgogne Philippe le Bon et avènement de Charles le Téméraire

Un long règne, commencé trop tôt, inachevé trop tard ? « Que chascun sache que sy j’eusse voulu, je feusse roy. » Un territoire immense, Bourgogne de la Loire au Jura suisse et de l’Yonne au sud de Mâcon, Franche-Comté, Hollande, Zélande, Gueldre, Flandre, Brabant, Namurois, Hainaut, Artois, Picardie, côtes de la Manche et de la mer du Nord, de l’embouchure de la Somme au Zuyderzee, Luxembourg, Franche-Comté : pas un état cependant, malgré un Grand Conseil, une Coutume de Bourgogne (1459), mais une marqueterie de seigneuries discontinues et disparates unies par la personne ducale, une politique médiévale, un gouvernement féodal axé sur le royaume de France et sublimé par la Toison d’or, ordre de chevalerie proclamé en 1430 lors des fêtes de son 3e mariage « pour la révérence de Dieu et le soutènement de la foi chrétienne », siège à la Sainte-Chapelle de Dijon et devise « Aultre [ordre] n’auray »

Philippe l’Asseuré d’abord : maîtrise de soi, nonobstant des grosses colères ; Philippe le Magnifique ensuite : bel homme « droit comme un jonc », orgueil, le lion pour emblème, faste et luxe de la cour, maîtresses et bâtards dont deux évêques, festins, pas d’armes, mécénat ; enfin Philippe le Bon, piété, la croix de saint André sur les étendards, frugalité, bonté foncière, une seule confidente, sa 3e épouse Isabelle de Portugal, un seul ami, le mystique Denys le chartreux…

Lorsque le chancelier Jean de Toisy lui annonça la mort de son père Jean abattu le 10 septembre 1419 sur le pont de Montereau où il avait rendez-vous avec le dauphin Charles, Philippe, son fils unique, âgé de 23 ans, « poussa un cri affreux », se vêtit de noir et se rejeta dans l’alliance avec l’Angleterre : le traité de Troyes (1420) reconnut comme roi de France Henry VI de Lancastre, les Bourguignons captureront Jeanne d’Arc à Compiègne.

Mais la brève épopée de la jeune Lorraine toucha au cœur la cour ducale : négociations discrètes, batailles perdues, lassitude générale, conduisirent au traité d’Arras (1435), préparé par René d’Anjou, duc de Bar et le chancelier Nicolas Rolin, avantageux pour le duc territorialement et financièrement. Les périls demeuraient cependant : les soldats des troupes royales se muaient en « écorcheurs », de Bruges à Gand les villes flamandes étaient réduites, Philippe se tourna davantage vers les Pays-Bas, il enleva Luxembourg et soumit la plupart des princes, au point qu’une résurgence de la Lotharingie parut possible. La prise de Constantinople par les Turcs en 1453 toutefois éclipsa tout autre projet que celui du « saint voyage » juré au banquet du Faisan à Lille le 27 février 1454 ; mais la croisade n’eut pas lieu. En 1461, l’avènement de Louis XI fut une dernière griserie : le sacre à Reims, l’entrée en tête du cortège à Paris, mais le nouveau roi réussit à lui reprendre les droits sur le Luxembourg puis les villes de la Somme… En revanche, ces manœuvres réconcilièrent Philippe et son héritier Charles qui aura le souci de rapporter à la chartreuse de Champmol la dépouille paternelle mais ne pourra ni lui offrir un tombeau à l’instar de ceux de ses père et grand-père, aujourd’hui parmi les fleurons du musée des Beaux-arts ni ceindre la couronne impériale…

Paul Bonenfant, Philippe le Bon, Bruxelles, 1955, 154 p., fig. ; ID., Philippe le Bon, sa politique, son action, études présentées par A.-M. Bonenfant-Feytmans, de Boeck, 1996, XVIII-452 p. (« Bibliothèque du Moyen Âge », 9) ; Richard Vaughan, Philip the Good, the Apogee of Burgundy, Londres, 1970, XVIII-456 p.-pl., nouv. éd. Woodbridge, Boydell, 2002, LI-456 p., ill.