Docteur en lettres et agrégé de philosophie, P.-A. Lalande, né à Dijon le 19 juillet 1867 et décédé à Asnières-sur-Seine le 15 novembre 1963, a enseigné à l’Ecole normale supérieure de Sèvres, puis à la Sorbonne et à l’Université du Caire. Rationaliste convaincu, il pensait que la raison même est susceptible d’un progrès dans sa double articulation sur la science et sur la morale. Les titres mêmes de ses ouvrages constituent un programme cohérent ; citons Lectures sur la philosophie des sciences, 1893 ; La dissolution opposée à l’évolution dans les sciences physiques et morales, 1899 ; Les théories de l’induction et de l’expérimentation, 1929 ; La raison et les normes, essai sur le principe et sur la logique des jugements de valeur, 1948.
C’est surtout son monumental Vocabulaire technique et critique de la philosophie (Alcan, 1926, VIII-1005 p.) qui a été retenu par la postérité, publié d’abord par fascicules dans le Bulletin de la Société française de philosophie de juillet 1902 à juillet 1923, fréquenté par des ghénérations d’étudiants et de professeurs. Si Lalande a bien rédigé l’essentiel des articles, il a été aidé par un ensemble de collaborateurs prestigieux : Blondel, Lachelier, Piéron, Gilson, Bréhier, … De nombreuses rééditions s’ensuivront, y compris dans la collection Quadrige (PUF, 1991). Bien qu’elles aient été largement revues, corrigées et complétées, elles peuvent présenter au regard d’un lecteur contemporain quelques inévitables lacunes. Elles n’en demeurent pas moins d’une utilité et d’une pertinence tout à fait fondamentales.
Dans sa Préface à la 10ème édition (1968), P.-A. Lalande a finement explicité ses intentions fondamentales. Trop souvent à son goût, les contradictions des philosophes ont été l’objet de plaisanteries qui desservent l’intention philosophique. L’originalité à tout prix est un vice qui entraîne certains philosophes à se complaire dans l’obscur, le nébuleux, voire l’abscons. Une certaine volonté de puissance n’est pas toujours étrangère à ces entreprises en eau trouble. « Trop de philosophes ou soi-disant tels, y ont du penchant, soit par intérêt, soit par goût. Les uns se dissimulent la vétusté, ou l’insignifiance de ce qu’ils perçoivent, sous une obscurité verbale qui leur donne l’illusion de la profondeur ; et leurs lecteurs la partagent s’ils ne sont pas prémunis contre cet effet d’optique ; il est si rare d’oser crier : le roi est tout nu ! » Du vocabulaire de la philosophie, l’auteur entend dresser un bilan sémantique plutôt que prescriptif : ce qui veut dire qu’il recense les significations principales d’un terme philosophique, tout en n’ignorant pas que les signification des mots se déplacent insensiblement en fonction de la durée et des utilisations qui en sont faites, principalement par les grands auteurs. Un consensus absolu et durable n’est malheureusement pas possible. Il n’empêche qu’en utilisant un terme technique, l’apprenti philosophe doit savoir de quoi il parle, ainsi qu’à quelle utilisation et à quel utilisateur il se réfère. La compréhension mutuelle et la communication des esprits humains sont à ce prix. Elles ne sont ni vouées à l’angélisme, ni condamnées à cette impasse que se sont complu à décrire certains penseurs contemporains.