LES CÉLÉBRATIONS DE BOURGOGNE

1764 ● Décès de Jean-Philippe Rameau, compositeur

Rameau, « un musicien sensible et un savant rigoureux », comme le définit le Prix de l’Académie en 1982, tient une place majeure parmi les musiciens français. Il sut en effet allier la composition d’une œuvre essentielle pour le clavier et le théâtre lyrique à un travail approfondi sur les principes de l’harmonie. Jean-Philippe Rameau naît à Dijon le 25 septembre 1683 dans une famille de musiciens. Son père, organiste à l’église Saint-Etienne, l’initiera très tôt à la musique qu’il préférera à toute autre étude. Après une période de formation très variée et des voyages, le début de sa carrière est provincial mais essentiel. Il compose des œuvres pour le clavier et de la musique religieuse. Dans le même temps, il entreprend un travail théorique sur l’harmonie reposant sur des données scientifiques. Témoignant d’une maitrise de l’écriture musicale et muni d’un discours harmonique complexe mais solide, il entame une grande carrière parisienne en 1722. Piron l’introduit dans les milieux intellectuels et mondains où il rencontre M. de la Pouplinière, un mécène attentif, qui lui permettra de développer son œuvre. Il fréquente les salons, rencontre les encyclopédistes, se lie avec Voltaire qui le soutiendra toujours. Et il va, à l’aube de la cinquantaine, s’engager dans une voie nouvelle : une carrière fulgurante de compositeur d’opéra, devenant le maître incontesté du genre, dépassant et démodant Lully. Une série de réussites constitue une contribution éclatante à l’art lyrique : Hyppolyte et Aricie (1733), Les Indes galantes (1735), Castor et Pollux (1737), Dardanus (1739), Platée (1745). Il est nommé musicien officiel de la Cour et ses créations auront lieu désormais à Versailles. Il sera anobli par Louis XV qui apprécie fort son talent. Opéras-ballets et pastorales se succèdent. L’apogée de sa carrière sera aussi l’apogée du classicisme français en musique.

Pourtant il reste souvent solitaire et « bougon », le contraire de sa musique ! Créateur accompli et intellectuel exigeant, il a la certitude d’être un vrai scientifique. Rameau estime que la musique n’est pas séparable de l’acoustique et que l’harmonie répond à des données arithmétiques ou physiques fondamentales. Mais il reste en même temps celui qui écrit une œuvre sensible et tendre : « la vraie musique est le langage du cœur ». Il défendra sa musique avec passion quand éclateront les polémiques de la querelle des Bouffons (1752-1754), opposant musique française et musique italienne. L’opéra à la française, trop raffiné, et donnant avec Rameau la primauté à l’harmonie, est opposé à la musique italienne reposant sur la mélodie, défendue par Jean-Jacques Rousseau. Rameau, qui méprise les connaissances musicales de Rousseau, usera pour lui répondre d’arguments assez démonstratifs qui mettront un terme à la querelle. Il n’en demeure pas moins que les dernières œuvres de Rameau témoignent d’une inspiration qui s’essouffle. Il en est conscient : « J’acquiers du goût, mais je n’ai plus de génie ». Néanmoins c’est à cette époque (1761) que l’Académie de Dijon lui témoigne son admiration en le nommant membre honoraire, ce qui le réjouit fort. Il meurt le 12 septembre 1764. Il est enterré le 13 à Saint-Eustache, dont il avait été l’organiste et où il est toujours honoré dans la chapelle des musiciens.

Peut-on parler de désaffection vis-à-vis de sa musique ? Jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, Rameau est joué constamment. Mais au XIXe siècle, on n’interprètera guère que son œuvre pour clavier. Charles Garnier orne pourtant le vestibule de l’Opéra de Paris de sa sculpture en 1861. Dijon célèbre honorablement le centenaire de sa mort. Sa statue, entre le musée et le théâtre, sera inaugurée en 1880. L’indifférence pour le grand compositeur va s’estomper au début du XXe siècle, grâce aux musiciens français, notamment Claude Debussy. Les années 1950 connaissent l’éclatante reprise des Indes Galantes, précédant le retour en faveur de la musique baroque. Le trois centième anniversaire de la naissance du compositeur en 1983 est célébré dans toute la France et Dijon y a amplement contribué : prix de l’Académie, concours international de clavecin, colloque international, concerts de haut niveau… La grande reconquête du mouvement baroque va faire connaître son l’œuvre lyrique. L’année 2014 sera l’occasion de très nombreux hommages au musicien dijonnais, partout glorifié ! – PF

 

 

Philippe Beaussant, Rameau de A à Z. Fayard, Paris 1983. – Daniel Paquette, Jean-Philippe Rameau, musicien bourguignon, Éditions de Saint-Seine-l’Abbaye, 1984, couronné par l’Académie de Dijon.