LES CÉLÉBRATIONS DE BOURGOGNE

1913 ● Décès du général Louis André, ministre de la Guerre

Louis-Joseph-Nicolas André est né le 28 mars 1838 à Nuits (Côte-d’Or), dans une famille de tonneliers et de vignerons propriétaires. Son père, conseiller municipal, est un orléaniste convaincu, sa mère est très pieuse. C’est cependant un proche cousin de celle-ci, Eugène Carion, petit neveu de Vivant Carion et frère de Jules, le futur député républicain avancé de 1871, qui va être l’inspirateur du jeune Louis André en matière politique, lui faisant adopter dès le lycée les principes républicains. Ayant réussi le concours de Polytechnique, Louis entame, à sa sortie de l’Ecole en septembre 1859, une carrière militaire dans l’artillerie qui sera à chaque étape marquée par le succès. En 1861, il sort premier de l’école d’application de Metz. Dans le même temps, il renforce ses convictions politiques et philosophiques, son attirance pour le positivisme le conduisant à collaborer au Dictionnaire de Littré, dans lequel il écrit des articles scientifiques. En 1865, il publie un petit ouvrage intitulé De la navigation aérienne et de l’aviation (Giraud, 16 p.) ! En 1873, le capitaine André intervient au congrès de l’Association française pour l’avancement des sciences, à Lyon, sur le thème « Du rôle de la science dans l’artillerie ». La suite, c’est l’enchaînement normal des promotions et des affectations, avec pour point saillant, en 1876, un mariage, hors normes pour un militaire, avec Marguerite Chopis, chanteuse à l’Opéra-Comique (elle a tenu le rôle de Micaëla pour la première de Carmen). Entre l’époux anticlérical et l’épouse catholique pratiquante, ce sera un mariage heureux… Pour respecter les convenances de l’époque, Marguerite André a naturellement abandonné la scène mais elle se produira encore quelquefois dans des galas de bienfaisance.

En décembre 1893, nommé général de brigade, Louis André se voit confier le commandement de l’Ecole polytechnique. En mai 1900, le Président du gouvernement dit de « défense républicaine », Waldeck-Rousseau, lui demande de succéder au ministre de la Guerre, le général de Galliffet, qui vient de démissionner. Tout au long des années au cours desquelles la République s’est organisée et affermie face à des adversaires qui viennent encore de montrer avec les différents épisodes de l’Affaire Dreyfus qu’ils n’avaient pas renoncé à l’abattre, l’officier André n’a jamais caché ses sentiments républicains mais il est toujours resté en retrait de la politique. Il a longtemps cru à la culpabilité de Dreyfus… Il est choisi par le Président du conseil pour deux raisons fondamentales : d’une part, il est probablement le seul général de division de l’armée française à s’avouer républicain convaincu ; d’autre part, sa carrière de soldat irréprochable  en impose à ses pairs. Il est donc l’homme capable de mettre de l’ordre dans une armée agitée par l’antidreyfusisme. Maintenu à son poste avec la victoire du « Bloc des gauches » et la présidence d’Emile Combes en 1902, il apporte enfin plusieurs années de stabilité dans un ministère où huit titulaires, pas moins ! s’étaient succédé dans les cinq années précédentes, ce qui va permettre à terme la réhabilitation de l’officier alsacien injustement condamné et un exercice plus ferme de l’autorité gouvernementale rue Saint-Dominique.

C’est dans ce contexte que se place la malheureuse « affaire des fiches » dont la conclusion sera dramatique pour le général André puisqu’il devra quitter ses fonctions en novembre 1904, frappé par un opprobre qui restera injustement attaché à sa mémoire. Car, sans nier le caractère scandaleux de la pratique qui consistait à faire classer officieusement les officiers sur un attachement au culte catholique dont étaient juges les loges maçonniques,  le regard historique ne doit pas ignorer  que ce système de délation était une riposte à un assaut marqué par la haine la plus effrayante des milieux conservateurs à l’encontre des Français juifs et des institutions républicaines. Quoi qu’il en soit, le général André, voulant donner à ses fonctions ministérielles une base politique démocratique, avait sollicité en 1903 un mandat dans son département d’origine. Il fut élu conseiller général du canton de Gevrey-Chambertin, en remplacement de Charles Mazeau, ancien garde des sceaux. Mais, radical-socialiste, il eut du mal à s’insérer dans le système Magnin finissant ; battu à trois reprises aux élections sénatoriales, il ne se représenta pas aux élections cantonales de 1910. Il mourut à Dijon le 18 mars 1913. Parmi les militaires de haut rang présents à ses obsèques, on pouvait remarquer la présence du général Ferdinand Foch, le futur généralissime des armées alliées de 1918, qui commandait alors le 8ème corps d’armée de Bourges dont dépendait la division de Dijon. Le général André est enterré au cimetière de Dijon, avec sa femme et ses deux fils, l’aîné ayant lui-même servi dans l’armée jusqu’au grade de général.- PP

 

 

 

 

Serge Doessant, Le général André, de l’affaire Dreyfus à l’affaire des fiches, Glyphe, 2009, 392 p., ill.