« Baissez-vous ! Il y a une trouée ! Ils voient ! Trop tard : je suis tombé un genou en terre. Dur et sec, un choc a heurté mon bras gauche. Il est derrière moi ; il saigne à flots saccadés. Je voudrais le ramener à mon flanc : je ne peux pas. Je voudrais me lever : je ne peux pas. Mon bras que je regarde tressaute au choc d’une deuxième balle, et saigne par un autre trou. Mon genou pèse sur le sol, comme si mon corps était de plomb ; ma tête s’incline : et sous mes yeux un lambeau d’étoffe saute, au choc mat d’une troisième balle. Stupide, je vois sur ma poitrine, à gauche près de l’aisselle un profond sillon de chair rouge. »
Ainsi Maurice Genevoix, décrivit-il, dans Les Éparges la manière dont il fut blessé le 25 avril 1915 par trois balles allemandes, lors d’une attaque de la tranchée de Calonne au piton des Éparges. Envoyé à l’arrière dans un piteux état, le jeune lieutenant du 106e Régiment d’infanterie comprend que c’en est fini de la guerre pour lui (il fut déclaré invalide à 80%). Et Dupuy, secrétaire général de l’École normale supérieure d’inviter son élève à écrire aussitôt ses mémoires de guerre, provoquant ainsi le début d’une carrière d’écrivain qui allait mener Genevoix jusqu’à l’Académie française.- PhM