Né à Metz le 2 juin 1814, Mahir Charleville entre en 1829, dès la fondation de celle-ci, à l’école rabbinique de la ville, premier établissement de ce type créé en France afin de donner aux rabbins une formation à la fois religieuse, morale et politique. Il en sortira en 1839 et sera alors nommé rabbin à Lyon, dans des conditions assez difficiles du fait de sa formation ouverte sur la société qui le met en conflit avec ses confrères plus imprégnés de culture exclusivement religieuse. Il ne s’y attardera donc pas et sera élu deux ans plus tard rabbin à Dijon, où il restera jusqu’en 1857. L’accueil à Dijon sera très favorable ; aussi s’étonnera-t-il de son entrée à la synagogue, alors installée au rez-de-chaussée de l’hôtel de ville, à l’angle des rues des Forges et Porte-au-Lion « …à travers une double haie de dames élégantes et de conseillers municipaux ».
Élu en 1843 président de la commission administrative de la communauté juive de la ville, il s’employa sans succès, à partir de 1851, à obtenir de la municipalité la création d’une véritable synagogue dans les bâtiments en construction (1853-1856) de l’aile du musée du Palais des États. Simultanément, il exerçait épisodiquement son ministère à Beaune et à Gray et, en 1846-1847, l’intérim du rabbinat de Paris, auquel il tentera alors vainement de se faire élire. Il mit à profit son séjour à Dijon pour procéder à un relevé des tombes juives de la ville et pour échanger avec le député de Saône-et-Loire Martin-Rey des informations sur l’histoire des juifs en Bourgogne. Des années après son départ, en 1879, il reprendra les principaux éléments de cette étude dans une lettre de félicitations adressée au rabbin de Dijon pour l’inauguration de la synagogue de la ville, bâtie sur les plans de l’architecte Sirodot.
De 1857 à 1864, revenu à Paris mais ayant provisoirement abandonné le rabbinat, il exerça les fonctions de directeur de l’hôpital Rothschild, récemment fondé par le baron James de Rothschild pour accueillir les israélites pauvres atteints de maladies aigües. Rabbin à Oran de 1864 à 1877, au temps de la promulgation du décret Crémieux accordant la nationalité française aux juifs d’Algérie, il réintégra la métropole en 1877 pour être rabbin de Versailles, où il mourut en 1888.- FV
Richard Ayoun, Un grand rabbin français au XIXe siècle : Mahir Charleville (1814-1888), Cerf, 1999, p. 96-179, 199, 446-454.