Cinquante ans tout juste après la fondation, fin novembre 1164, arrivait à Pontigny un hôte fort prestigieux… et fort encombrant, l’archevêque de Cantorbery Thomas Beckett. Chacun sait comment le fidèle chancelier d’Henri II Plantagenêt, promu primat d’Angleterre, avait décidé de prendre à cœur les intérêts de son Église avant ceux de son souverain. L’année 1164 est précisément celle de la rupture, avec le refus par Thomas des « Constitutions de Clarendon ». L’archevêque vint s’en remettre au pape Alexandre III, que ses affaires retenaient alors à Sens. Présent en Bourgogne du nord, connaissant fort bien les cisterciens qui avaient de nombreuses maisons en Angleterre, il est logique que Beckett ait demandé asile aux religieux de Pontigny. Il devait rester à l’abbaye près de deux ans. Saint peut-être, mais grand seigneur avant tout, accompagné de son personnel et de ses chevaux, il mit à rude épreuve les observances régulières ! Lorsqu’en 1166 le roi d’Angleterre exprima des menaces directes contre l’ordre tout entier, le chapitre général s’inquiéta. On vint représenter à Beckett, aussi respectueusement que possible, qu’il devrait songer à trouver un autre asile. Compréhensif, il quitta alors Pontigny pour Sainte-Colombe de Sens, laissant toutefois flotter en val de Serein un parfum d’Angleterre que raviveront, au siècle suivant, Étienne Langton et Edmond d’Abingdon, saint Edme.- AR
Jean-Luc Benoît, « Les origines de Pontigny ou la naissance de la seconde fille de Cîteaux », Bulletin de la Société des fouilles archéologiques et des monuments historiques de l’Yonne, n° 14, 1997, p. 25-36 ; Terryl N. Kinder, L’abbaye de Pontigny, éd. du Patrimoine, 2010, 72 p., ill. (« Itinéraires du patrimoine »).