L’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, fondée en 1725 et confirmée par les lettres patentes de 1740, a fondé un prix » à perpétuité » remis chaque année. Parmi les tout premiers lauréats, Jean-Jacques Rousseau « citoyen de Genève » a été distingué en 1750. A sa suite, vingt-huit récompenses ont été remises avant la Révolution, dont une à Lazare Carnot pour son Eloge de Vauban. Au XIXème siècle, cette distinction récompense des initiatives dans des domaines très divers. Après une interruption due aux guerres mondiales du XXème siècle, la tradition fut rétablie en 1971. L’Académie a réorienté son Prix en 2020, de manière à aider plus directement les chercheurs à mener à bien leurs travaux, à en publier les résultats et à mettre en valeur leurs ouvrages publiés.
Pour l’année 2025, la Commission des sciences économiques et sociales, présidée par Monsieur Moïse Mayo, membre résidant, propose à la réflexion le thème suivant : Croissance et décroissance dans un monde en crises. Vous trouverez l’argumentaire ci-dessous.
Le concours est ouvert aux étudiants, aux chercheurs, comme à des équipes dans le monde public ou privé. Les dossiers de candidatures comprenant une fiche de présentation du travail soumis devront parvenir au secrétariat de l’Académie (adresse ci-dessous) avant le 1er juin 2025 – un récépissé sera adressé au candidat.
Le Prix sera remis lors de la séance solennelle de rentrée de l’Académie en octobre 2025 : il consiste en une médaille du type de celle qui fut donnée à Jean-Jacques Rousseau en 1750 accompagnée d’une dotation de 2 000 €.
Croissance et décroissance dans un monde en crises
Dans un monde marqué par une succession de crises, climatique, économique, sociale, politique, la question de la croissance prend une ampleur nouvelle. La croissance économique, longtemps perçue comme un gage de progrès et de prospérité, et telle que mesurée par un indicateur, le PIB, est
aujourd’hui remise en question par de nombreux experts. En effet, les limites planétaires –réchauffement climatique, épuisement des ressources naturelles, perte de biodiversité – rendent de plus en plus difficile de concilier la quête de croissance infinie avec la nécessité de préserver les
équilibres. La croissance, entendue comme l’augmentation continue de la production et de la consommation, est au coeur d’un modèle économique global qui a permis de sortir des sociétés de la pauvreté, mais qui se heurte désormais à de fortes contradictions. D’un côté, les pays développés et émergents poursuivent leur course à la croissance pour maintenir des standards de vie élevés, avec de profondes inégalités, tandis que de l’autre, les populations les plus vulnérables subissent de plein fouet les effets de cette dynamique, tels que la dégradation de l’environnement, les inégalités
sociales , entrainant des crises migratoires.
Face à cette impasse, le concept de décroissance se présente comme une alternative radicale. Plutôt que de chercher à toujours augmenter la production, la décroissance plaide pour une révision profonde du modèle économique. Ce n’est pas une idée nouvelle dans l’histoire de la pensée
économique : Malthus dès le début du XIX° siècle plaidait pour une décroissance démographique, seul moyen de disposer de suffisamment d’alimentation pour la survie de l’humanité ; dans les années 1970 le Club de Rome plaidait pour une croissance 0. Toutefois, cette proposition soulève des interrogations sur sa faisabilité dans le contexte d’un monde plus divisé que jamais, mais restant globalisé et où la compétition et les inégalités restent prégnantes.
La croissance, mesurée par l’augmentation du Produit intérieur brut (PIB), ne se reflète pas nécessairement dans une amélioration des conditions de vie perçue. L’inventeur du PIB, Simon Kuznets, prévenait lui-même en 1934 : « La mesure du revenu national peut difficilement servir à évaluer le bien-être d’une nation ». Et pourtant, le PIB est le plus commenté et le plus utilisé des indicateurs pour jauger de la richesse des nations. La question a été posée par les travaux de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi sur la mesure de la performance économique et du progrès social.
Dans son rapport, la commission avait jugé qu’en raison d’une utilisation excessive ou inappropriée du PIB, « ceux qui tentent de guider nos économies ou nos sociétés sont comme des pilotes essayant de se diriger sans boussole fiable ».
Ainsi, la tension entre croissance et décroissance dans un monde en crises invite à repenser notre rapport à l’économie, à la nature et aux autres. Peut-on trouver un équilibre entre ces deux perspectives, ce qui semble crucial pour assurer la durabilité des sociétés humaines et préserver les
ressources vitales sur terre.