« Le désordre était partout » écrit Louis XIV dans ses mémoires pour décrire les débuts de son règne personnel ; la « révolution de 1661 » a eu pour but d’y remédier en réformant profondément le royaume. Claude Bouchu (1627-1683) fut, en Bourgogne, l’homme sur qui reposa cette lourde tâche. Conseiller au parlement de Metz, maître des requêtes puis conseiller d’État, il fut nommé intendant de Bourgogne en 1654 et le resta jusqu’à sa mort.
Il imposa l’autorité royale à travers les multiples commissions du Conseil du Roi, notamment celles qui le chargeaient d’enquêter dans de nombreux domaines : eaux et forêts, usurpation de noblesse, impositions, dettes des communautés (villes et paroisses). Cette dernière demande, envoyée le 15 décembre 1665, le conduisit à élaborer une enquête complète qui dépassait largement le cadre de la question en posant 14 questions à chacune des quelques 1 950 localités constituant l’intendance. Les états pré-imprimés devaient comporter des réponses sur les seigneuries, la population, les conditions naturelles des lieux, l’état économique et social, les religieux et leurs biens… en plus des indications proprement financières sur l’endettement et la situation des biens communaux. Claude Bouchu se fit aider pour ce travail par des subdélégués qui apparaissent pratiquement pour la première fois.
Les réponses furent vérifiées, analysées et compilées en 1669 (ou 1670). L’ensemble est aujourd’hui conservé aux archives de la Côte-d’Or, dans le fonds du Bureau des Finances, où il forme une série de dix volumes reliés (C 2882-C 2891) comptant au total environ 7 800 pages, numérisées en 2009.
Ce document exceptionnel sur l’état de la province au sortir d’une période cruelle : guerre de Trente Ans et désordres liés à la Fronde, a été partiellement utilisé par les historiens, notamment par Gaston Roupnel dans sa thèse La ville et la campagne au xviie siècle : étude sur les populations du pays dijonnais (E. Leroux, 1922), et fait l’objet d’une publication partielle, mais aucune étude spécifique n’a été conduite sur cet extraordinaire document dont on a même pu penser qu’il avait donné lieu, dans son titre, à la première occurrence en français du mot « statistique », qui lui a été attribué, en réalité, par l’archiviste Joseph Garnier lors de sa recension en 1880, comme le montre Dominique Pépin.
Charles Arbassier (Charles), L’absolutisme en Bourgogne : l’intendant Bouchu et son action financière d’après sa correspondance inédite (1667-1671), Picard, 1920, 192 p. ; - Dominique Barbero, Guy Brunet, éd., Déclaration des biens des communautés (1665-1670), 1. Bailliage de Bugey, bailliage du Pays de Gex, 2. Bailliage de Bresse, Lyon, Tixier, 1978, 523-559 p. ; - Dominique Pépin, « Claude Bouchu et le mot “statistique” », Journal de la société française de statistique, t. 146, 2005, p. 119-129.