La vogue des ateliers de charité traverse la fin du 18e siècle. Consistant à donner un revenu aux plus démunis des habitants d’une ville ou d’une communauté en contrepartie de travaux publics d’intérêt général, ils ont représenté, notamment pour Turgot, un moyen privilégié d’assurer une forme d’assistance aux pauvres valides, évitant le don de secours gratuits supposés encourager la paresse. Dans l’esprit de l’économiste et de ses amis, les ateliers avaient le double intérêt de créer du travail et de permettre théoriquement à tous de faire face à l’augmentation des prix des grains consécutive à la libéralisation introduite dans les années 1760. Dans plusieurs provinces (Champagne, Dauphiné, Limousin…), les ateliers de charité mobilisèrent d’importants moyens et se multiplièrent. Ailleurs (Bretagne, Bourgogne,…), ils restèrent peu utilisés. L’abbé Terray incita dès 1770 les Élus des États de Bourgogne à les mettre en place, mais il ne semble pas avoir été écouté. En 1774-1775, lors de libéralisation du commerce des grains consécutive à l’édit du 13 septembre 1774, Turgot fit de nouveau appel aux Élus qui créèrent plusieurs ateliers dans la province, puis dans sa capitale après l’émeute du 18 avril 1775. Toutefois, nous ne possédons que peu de détails sur le fonctionnement, le coût précis et la durée de ces ateliers, qui ne semblent pas avoir été maintenus au-delà de l’été 1775.
Cette lacune rend d’autant plus précieuse la conservation d’un compte relativement détaillé de l’atelier de charité municipal mis en place à l’automne 1782 à Dijon, dans le cadre des grands travaux entrepris pour assainir le faubourg Raines. Voulu par le marquis de Brou, jeune intendant de la province désireux de réformer les pratiques municipales et de favoriser des projets utiles, et l’échevin Frantin, imprimeur du roi, qui fut désigné comme commissaire du projet, il ouvrit le 28 novembre 1782 et employa de nombreux pauvres en état de travailler jusqu’au 2 mars 1783. Nous devons peut-être aux conflits municipaux qui envenimèrent la vie dijonnaise en 1783 et 1784 d’avoir préservé ce compte. Un autre atelier de charité a été mis en place à Dijon en 1789, mais nous savons très peu de choses sur lui. La présentation sera l’occasion de discuter les hypothèses qui peuvent expliquer le recours restreint à cette forme d’assistance en Bourgogne comparativement à d’autres provinces du royaume.