Le 22 mars 866 (la date est assurée), les bénédictins de Flavigny vinrent en grande solennité à Alise pour exhumer le sarcophage de la martyre et le mettre sous la protection de leur abbaye, à l’abri des remparts de la ville. Sainte Reine était vénérée sur le Mont Auxois depuis plus de quatre siècles et les miracles sur son tombeau attiraient de nombreux fidèles. Au IXe s. l’abbé Égil, futur archevêque de Sens, proche de la cour de Charles le Chauve, tout en reprochant aux desservants leur incurie responsable de l’oubli dans lequel sombrait le culte, s’avisa que les reliques de la sainte étaient en danger dans la modeste chapelle du pauvre petit monastère édifié sur le tombeau, bien isolé dans le champ de ruines de la ville antique et menacé par les raids normands. C’est du moins ce qu’en dit le récit très détaillé d’un témoin oculaire qui enrichit son discours d’allusions historiques et de faits miraculeux. On peut aussi penser que la perspective d’un pèlerinage fort lucratif a pesé dans la décision, la présence à Flavigny d’un corps aussi vénérable ne pouvait que rehausser le prestige de l’abbaye. Ce texte, s’il est un précieux jalon de la tradition littéraire qui place l’Alesia de César sur le Mont Auxois, renseigne surtout une période mal connue entre Antiquité et Moyen-Âge. L’archéologie en témoigne : on voit encore là les ruines de la basilique Sainte-Reine et du monastère, abandonnés au IXe s., sous lesquelles des fouilles ont retrouvé une memoria du IVe s., tandis qu’à Flavigny, les vestiges de l’église abbatiale conservent des traces de la crypte carolingienne où furent déposées les reliques, digne écrin pour une telle sainte. Le 22 mars, jour anniversaire de la Translation, était marqué par une procession haute en couleur allant de Flavigny à Alise.
Par la suite, les reliques de sainte Reine resteront définitivement à Flavigny où les bénédictins les conserveront jalousement, ne délivrant qu’avec une extrême parcimonie quelques parcelles du corps saint, notamment au profit d’Anne d’Autriche. Le chef de la sainte était conservé dans un buste reliquaire en argent donné par un proche de la famille royale en 1271 ; plusieurs fois inventoriés et fatalement mélangés à d’autres, les ossements seront transférés, le 25 mars 1659, dans une châsse en argent. Après la Révolution et la disparition de l’abbaye, une châsse beaucoup plus modeste recueillit les restes actuellement conservés avec une antique chaîne dans l’église paroissiale Saint-Genest et proposés à la vénération le 7 septembre pour la fête de la martyre. Les deux derniers des treize cartons de tapisserie du cycle de sainte Reine peints au XVIIe s. pour Saint-Eustache, conservés à l’Hôpital d’Alise et récemment restaurés, illustrent le sujet, de même qu’un des vitraux de la fin du XIXe s. de la chapelle Sainte-Reine où l’abbé Égil prend les traits de Mgr Le Nordez.
Jean Marillier « Translatio et Miracula S. Regina », Alesia, …, Textes médiévaux, Les Belles-Lettres, 1973 (« Publications de l’université de Dijon », XLV), p. 147-159 ; - Nicole Courtine, « Sainte Reine et la tradition écrite » et Patrice Wahlen, « Le départ des reliques » ; - Philippe Boutry, Dominique Julia (dir.), Reine au Mont-Auxois, le culte et le pèlerinage de sainte Reine des origines à nos jours, Ville de Dijon, Éd. du Cerf, 1997, p. 35-39 et p. 78.