Né le 25 mai 1866 à Passy (Yonne), normalien reçu à l’agrégation d’allemand en 1890 il est nommé à l’université de Bordeaux en 1893. En 1897 il obtient son doctorat es lettres qui porte sur Henri Heine, poète, s’intégrant à la première génération des germanistes universitaires. Il est nommé professeur de littérature étrangère à l’Université de Dijon (1897) où il devint doyen de la faculté des lettres (1910-1912). En 1929 il est nommé professeur d’histoire et de civilisation des Slaves à la Sorbonne. Il a publié La littérature en Russie (1929) et un Précis de grammaire russe réédité plusieurs fois. Traducteur de Tolstoï et Tchekhov rencontrés plusieurs fois, il a écrit Réflexion sur l’art de traduire (1939). A sa retraite en 1936, il revint à Dijon, il y mourut le 12 mai 1939.
Dès 1891 il s’intéresse à la langue et à la littérature russe, grâce à la rencontre d’étudiants russes lors d’un séjour à Berlin dont il tira (sous le nom de Luc Gersal) l’Athènes des bords de la Sprée par un Béotien. Croquis berlinois, livre qui connut un réel succès (cinq éditions et traduction en allemand). J. Legras fait partie de la cohorte des intellectuels slavisants réunie pour faire « découvrir » la Russie au moment de l’alliance franco-russe. Il part en Russie en mai 1892 pour un premier voyage, suivi de beaucoup d’autres entre 1892 et 1920, pour une durée cumulée de 9 années.
Muni de recommandations des plus grands « découvreurs » du monde russe, J. Legras se lie avec tout ce que la Russie de Nicolas II compte de décideurs et de talents. De ses neuf années de voyages en Russie, il a tiré plusieurs autres ouvrages dont Au pays russe (1895), En Sibérie (1898) et plusieurs articles pour les Annales de géographie.
Clin d’œil à cette passion du voyage, il a soutenu le développement du tourisme régional et a préfacé Dijonnais promenez-vous ! Itinéraires pédestres en Côte-d’Or (1924).
Pendant la Grande Guerre, en 1915, à cinquante ans, il est réintégré dans les cadres de l’armée sur le front de Champagne, puis en 1916 sur le front russe où il est chargé d’une mission de renseignement à l’intérieur des armées russes, pour les armées françaises. Après la révolution de 1917 et la signature de la paix séparée de Brest-Litovsk, il est rapatrié par Mourmansk en avril 1918. Mais il repart, en août 1918, rejoindre la mission Janin, chargée de « coordonner » les différentes unités militaires antibolchéviques en Sibérie. L’échec de cette mission marque son départ, définitif, en décembre 1919. Dès lors J. Legras s’intéresse plus largement aux pays slaves et notamment à la Tchécoslovaquie. Il a été l’auteur de très nombreux articles et critiques parus notamment dans la revue Le monde slave. Resté fidèle à ses amis russes en exil il leur a offert un soutien moral et financier.
J.Legras fut reçu membre résidant de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon le 2 décembre 1925, son discours de réception a eu pour sujet : « la signification nationale du voyage à l’étranger ». Il a légué ses papiers (classés et inventoriés par Sébastien Langlois) et sa bibliothèque à la bibliothèque municipale de Dijon.
Pascal (Pierre), « Nécrologie. Jules Legras (1866 1939) », Revue des études slaves, 1939, t. 19, f. 1-2, p. 212. - Chabot (Georges), « Jules Legras (1867 [sic]--1939), Annales de géographie, 1940, vol. 49, n° 277, p. 65. - Broc (Numa), Dictionnaire illustré des explorateurs français du XIXe siècle, Paris, CTHS, 1992 - Danilova (Olga) : « Jules Legras et la polémique sur la colonisation à la fin du XIXe siècle », dans Moussa (Sarga), Stroev (Alexandre) dir. L’invention de la Sibérie par les voyageurs et écrivains français (18e-19e siècles) Paris, Institut d’études slaves, 2014.