Pierre-François, dit le « Père » Leleu est né à Paris en 1836 où son père était blanchisseur. Nous savons de lui ce qu’il a bien voulu dire. Elève chez les Frères du Gros-Caillou de 1839 à 1846, ayant échoué baccalauréat, il va donc monter lui aussi une blanchisserie, puis, deux fois, une buvette : trois échecs. Le 2 mai 1857, il épouse Clémence Babault. On le retrouve seulement en 1870, où, fait prisonnier par les Versaillais, il est envoyé comme forçat au fort Kellern près de Brest. Il aurait alors rencontré le journaliste Elie Reclus et son frère Elisée, le géographe. Libéré, il serait devenu trimardeur et surveillé par la police. Il serait alors allé en Algérie, Tunisie, Corse, Suisse, tout cela jusqu’en 1879 où il arrive à Saint-Moré (Yonne), est embauché comme terrassier dans la carrière d’ocre de M. Guyard. L’entreprise failllie, il s’installe dans une grotte à flanc de coteaux, vers Arcy-sur-Cure. Connu des touristes, il la fait visiter, il n’y a pas d’escalier mais une corde à nœud, il chante, joue de la vielle, raconte des histoires… montre des vipères vivantes en bouteille… ce ne sont que des couleuvres, vend des cartes postales qui le représentent en une multitude de poses. Ami des abbés archéologues Parat et Poulaine, il se fait embaucher pour fouiller les grottes à partir de1886, à la satisfaction, semble-t-il, de ses employeurs mais il vend certaines pièces : vases, objets de bronze, etc. Il écrit aussi des poèmes. En 1887, une compagne de rencontre, Alice Liézard, vient s’installer auprès de lui. Elle décède le 3 décembre 1891, à 48 ans ; la descente du cercueil au cimetière de Saint-Moré fut rocambolesque. Leleu resta dans la montagne. Au matin du 26 janvier 1913, on le retrouva mort, allongé sur le sol humide, les bras crispés, la tête en sang. La veille, il avait rencontré un couple de lutteurs forains et il avait fait ripaille, on parla d’assassinat, mais c’était sans doute un accident. Son corps fut enterré dans la fosse commune.
Gilberte Mongellaz, « La vie et la mort du Père Leleu », Bulletin de la Société d'études de l'Yonne, 63ème vol,, 1963-1965, p. 101-107.