Rien ne prédestinait ce modeste cordonnier, né vers 1534 (ou 1536 ?) à Léry, village proche de Saint-Seine-l’Abbaye, d’où son patronyme, mort vers 1613 à L’Isle (Suisse) à passer à la postérité. Converti à la Réforme, il se réfugie à Genève en 1556. Sur ordre de Calvin, il part avec quelques compagnons pour la « France antarctique », une colonie de Huguenots installée à Fort-Coligny dans la baie de Rio de Janeiro. Il y débarque le 7 mars 1557, mais en est chassé peu après en raison d’un conflit qui l’oppose, pour des raisons religieuses, avec le gouverneur. Il est alors contraint de partager pendant quelques mois la vie des Indiens anthropophages Tupinambas, avant d’être expulsé définitivement du Brésil.
A son retour en France en 1572, il se réfugie à Sancerre. Durant le long siège de la ville par les catholiques l’année suivante, il assiste à des scènes d’anthropophagie qui lui rappellent ce qu’il avait pu voir au Brésil et qu’il commentera dans son Histoire mémorable du siège de Sancerre (1574). En 1578, après avoir perdu deux fois son manuscrit, il publie ses souvenirs : Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil. C’est le premier ouvrage d’anthropologie dans lequel un Européen analyse une civilisation et porte un regard critique sur notre société. S’il n’y a pas de « bon sauvage », l’auteur constate que la barbarie est aussi parmi nous. Claude Levi-Srauss a qualifié son récit de «chef-d’œuvre de la littérature ethnographique» et l’a commenté dans Tristes Tropiques.
Jean de Léry, Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil, texte établi par Franck Lestringant (2ème éd. 1580), précédé d'un entretien avec Cl. Lévi-Strauss, Librairie générale française, 1994, 670 p., ill. (« Livre de poche », n° 707, « Bibliothèque classique »).