Cent-cinquantième anniversaire de la naissance de Colette
Journée d’étude : Maisons-livres en Bourgogne en Franche-Comté
Vendredi 10 mars 2023
L’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon a organisé avec la Société des Amis de Colette et en partenariat avec la Société des Amis de Romain Rolland une journée d’étude sur le thème de la « maison-livre ».
La question de la place d’une maison dans la vie d’un auteur a sans doute été plus explorée que celle de la maison-livre, autrement dit de la transmutation par l’écriture, d’un endroit ou d’une demeure, en objet littéraire voire en personnage de roman.
Un lieu, un écrivain : les couples inséparables ne manquent pas. Du Bellay et son « petit Liré », Georges Sand et Nohant… L’essai de Michel Butor Le Génie du lieu est parmi les plus pertinents. La question qui se pose pour Colette est surtout celle de la manière dont le génie d’un lieu s’incarne dans son œuvre.
Évelyne Bloch-Dano, biographe, essayiste, présidente du jury Fémina et du Cercle littéraire proustien, a ouvert la porte de cette journée, comme elle l’a fait pour celle de ses Maisons d’écrivains dans un livre publié en 2019. Dans sa conférence inaugurale, elle a présenté le voyage dans les sites et les œuvres à partir de la relation privilégiée entre un lieu et une vie, entre un lieu et une écriture.
Pour Colette, ce n’est pas la demeure réelle de Sidonie-Gabrielle qui a été examinée mais la maison que l’écrivaine, dans ses autofictions, n’a cessé d’embellir, de magnifier, autrement dit sa maison de papier, le personnage littéraire qu’elle a créé, la maison de Claudine, la maison de Sido.
Sous la férule de Bernard Chevignard, l’ancien président de la commission des arts et lettres, après Frédéric Maget, président des Amis de Colette, et directeur de la maison qui « ne souriait que d’un côté », Samia Bordji, directrice du centre d’étude et du musée Colette, a cherché entre les pages, le Châtillon-Coligny de la fille aux longues nattes, d’Achille le grand frère et de Sido vieillissante. Lise Lézennec, responsable scientifique de la direction du patrimoine de la ville de Besançon, a, en particulier, trouvé les Monts-Boucons de l’épouse délaissée de Willy dans sa Retraite sentimentale.
La comédienne Nathalie Guéraud a fait entendre la voix de Colette en trois extraits de ses œuvres.
L’après-midi, sous la houlette de Françoise Perrot, présidente, l’Académie a élargi le champ de son étude. Jean Lacoste, philosophe, essayiste et Amis de Romain Rolland a constaté la place trop mesurée de Rolland à Vézelay au regard de l’importance du lieu dans la vie et l’œuvre rollandienne. Jacques Poirier, professeur émérite de l’université de Bourgogne, a recherché la maison-livre de Michel Tournier à Lusigny, ou plutôt Lusigny-Montigny, et révélé sa démarche créatrice. Pour sa part, Daniel-Henri Vincent, fondateur de la Société des Amis de Bussy-Rabutin a décrypté le château-livre de Bussy et son décor « qu’on ne voit point ailleurs ».
Après les maisons-livres, les maisons d’écrivain et les maisons des Illustres ont été présentées par Jean-Claude Ragot, président d’honneur de la Fédération des maisons d’écrivain et des patrimoines littéraires, ancien directeur du Centre François Mauriac de Malagar et professeur associé de l’université Bordeaux-Montaigne. Dans le même temps que Sylvain Menant et la Société d’histoire littéraire de France s’interrogeait sur ces maisons, la Fédération se plaçait à la pointe de la réflexion sur la conservation, l’évocation et la transmission des patrimoines littéraires.
Comment, en conservant la mémoire d’un lieu et le souvenir d’un écrivain, favoriser l’accès à son œuvre dans un projet culturel dynamique ? Lieu de mémoire, mais aussi lieu de culture vivante, « la maison d’écrivain [a affirmé Jean-Claude Ragot avec force] est dépositaire d’une histoire qui se vit au présent. » Il a introduit et animé la table ronde qui a permis à des responsables des patrimoines de Bourgogne d’échanger sur leurs préoccupations communes et sur la médiation : Sylvie de Baecque, le château de Saint-Point et Lamartine, Ivan Grinberg, la maison de Pernand-Vergelesses et Jacques Copeau, François-Xavier Verger, les châteaux de Ferney-Voltaire et de Bussy-Rabutin, Frédéric Maget et la maison de Colette, bien sûr. Aymée Rogé, directrice régionale des affaires culturelles n’ayant pu assister à l’intégralité des travaux, Sylvie Jourd’heuil, conseillère pour le livre, la lecture et les archives à la direction régionale des affaires culturelles a présenté la politique de l’État et le soutien qui peut être apporté aux acteurs locaux.
À 18 h, le maire de Dijon, entouré des membres de l’Académie, des Amis de Colette et des participants à la journée d’étude, a dévoilé une plaque désignant du patronyme de Colette le square de la place Saint-Michel, puis, de même, en donnant le nom de Colette à la bibliothèque du centre-ville ouverte à La Nef.