Séance académique
Le pape Pie VI, prisonnier du Directoire, meurt à Valence le 29 août 1799, épuisé par la vieillesse, la maladie et les épreuves. Ordre avait pourtant été donné par Paris, le 22 juillet précédent, de le transférer à Dijon. Mais, ce transfert étant jugé incompatible avec son état de santé, Pie VI reste à Valence et y meurt.
(Ne pas) voir Dijon et mourir : ce non-événement a une histoire qui révèle des ressorts du Directoire finissant.
Dijon, ville-étape sur la route de Paris, ville-repli en retrait du théâtre italien de la guerre, est choisie pour mettre Pie VI en lieu sûr. Sur fond d’incertitude militaire et de confusion politique, les autorités constatent à la fois le succès mitigé des nouveaux cultes et l’assagissement des « fanatiques ». L’embarassant ordre du Directoire pose aux autorités dijonnaises un problème d’ordre public (puisqu’il s’agit d’un otage à surveiller) mais aussi politique (car maltraiter le vieillard créerait du scandale). Il permet en tous les cas de déloger un suspect, Nicolas-Philippe Berbis, marquis de Longecourt, qui joue depuis l’an II au chat et à la souris avec la Révolution : jamais émigré, toujours suspect, parfois incarcéré, on trouve enfin une bonne raison de l’expulser de son somptueux hôtel du 45, rue Jeannin.
La correspondance échangée pendant ces dix jours où Dijon se prépara à recevoir l’illustre, égrotant et encombrant vieillard révèle en creux, dans l’ambiance crépusculaire du Directoire dont chacun pressent la fin, l’attachement, inattendu et paradoxal, à la personne du pape, que Chateaubriand perçoit et exprime quelques mois tard dans Le Génie du Christianisme.